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Séminaire 5ème branche

En partenariat avec l'Institut Droit et Santé (Université de Paris)

Synthèse de la troisième séance : le financement

Mercredi 8 juillet 2020

Présentation des intervenants

Marc Bourquin, conseiller Stratégie à la Fédération hospitalière de France ; Etienne Caniard, vice-président du groupe Matmut, ancien président de la Fédération nationale de la Mutualité française ; Pierre Mayeur, directeur général de l’OCIRP ; Lydia Morlet, co-directrice de l’Institut Droit et Santé ; Stéphane Le Bouler, président de LISA.

Introduction par Stéphane le Bouler

Cette séance est destinée à aborder les différentes questions qui se posent lorsque l’on envisage la question du financement de l’autonomie.

Des données financières connues

Il existe de nombreux rapports sur le périmètre gestionnaire traditionnel du médico-social, qui comprend le financement de l’accueil en établissement et celui de l’aide à domicile à la fois pour les personnes âgées et handicapées. Le dernier rapport en date est le rapport Libault (2019) – on peut également mentionner les travaux répétés de la Cour des comptes et du HCFEA[1]. Les analyses portées dans ces travaux n’ont pas vraiment vieilli depuis 15 ans, notamment parce que les réponses aux problèmes qu’ils ont soulignés sont restées insuffisantes, voire médiocres.

Bilan de base sur le Grand Âge

Aujourd’hui (et depuis une dizaine d’années), nous sommes confrontés à :

  • Un besoin de rattrape des effectifs encadrants. Des efforts financiers conséquents ont été menés sur ce plan entre 2005 et 2010-11, mais les moyens ont cessé de croître vigoureusement par la suite ;

  • Un besoin de montée en gamme de la prise en charge ;

  • Une augmentation de la charge en soin, dans la mesure où l’on a concentré en établissement les personnes les plus dépendantes et sorti peu à peu les GIR 5 et 6.

À cela, s’ajoute aujourd’hui la revalorisation très conséquente des salaires des soignants dans le secteur sanitaire et médico-social suite à la crise du Covid-19 et, à terme, l’arrivée du choc démographique du papy-boom (avec effet différé de 85 ans du baby-boom d’après-guerre) dans les prochaines années.

Les trois premiers points font l’objet d’un diagnostic consensuel depuis une dizaine d’années. Les crises connues dans les EHPAD à la fin des années 2010 sont la sanction d’une dégradation objective de la prise en charge à état de santé donné. Les deux dernières dimensions constituent une nouveauté.

La spécificité de la cinquième branche

La 5ème branche oblige à la convergence réelle personnes âgées/handicapées, même si cette thématique existe depuis la loi sur le handicap de 2005. Cela augmente encore la facture côté Grand âge.

L’équation apparaît donc insoluble dans le périmètre habituel. Pour la résoudre, il faut décloisonner et désenclaver les financements, les politiques et les prestations : décloisonner le secteur de l’autonomie traditionnelle, et ouvrir le secteur de l’autonomie aux autres politiques publiques.

La solvabilisation

Il existe de nombreux compartiments :

  • le périmètre classique des prestations du registre de l’aide sociale : les prestations de compensation (APA[2] et PCH[3]), et les prestations d’hébergement ;

  • la catégorie à part des revenus de remplacement à travers l’AAH[4], ou le segment de l’aide à l’emploi des personnes handicapées essentiellement ;

  • le périmètre des soins concourant à la prise en charge des personnes très âgées ou handicapées : soins de long terme aussi bien en établissement qu’à domicile ;

  • les financements (pas exceptionnels en volume) en matière de prévention ;

  • les prestations hors champ médico-social, en matière de logement en particulier, gérées sous l’égide d’un autre ministère et d’un autre réseau de caisses, en l’occurrence les allocations familiales ;

  • les aides fiscales (crédits d’impôt et réductions d’impôt), qui ont beaucoup crû (par exemple avec l’instauration du crédit d’impôt pour les aides à domicile sous le mandat de François Hollande).

  • les ressources mobilisées par les personnes âgées ou handicapées elles-mêmes, que cette épargne soit liquide ou non ;

  • l’aide alimentaire des proches ;

  • les prestations d’assurance de prévoyance.

Or, le débat est depuis trop longtemps focalisé sur les prestations médico-sociales (avec les querelles Etat-départements), le reste à charge porté par les usagers et l’assurance dépendance.

Une branche de la protection sociale

L’idée d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale apporte des notions issues du domaine de l’assurance et de la protection sociale au champ de l’autonomie :

  • Les questions d’équité et de redistributivité ;

  • Les échanges entre générations. Au sein d’une fratrie, l’aide déployée pour la prise en charge d’un parent n’est ainsi pas aléatoire : les femmes sont en première ligne et les enfants ne contribuent pas tous également ;

  • La prévoyance individuelle ou collective (telle qu’elle peut être mise en place au sein de l’entreprise au bénéfice des salariés) ;

  • La soutenabilité des restes à charge ;

  • La faculté de choisir des usagers. Aujourd’hui, le choix de l’usager est très borné et très largement déterminé par ce qu’il connait de l’offre locale de prise en charge ;

  • La prévention, avec des retours sur investissement en matière de prévention de la perte d’autonomie qui sont à la fois rapides et plus marqués que ceux qui l’on peut avoir dans le champ de la santé.

Principes d'une réforme

Les principes fondamentaux pour une réforme sur l’autonomie sont :

  • L’intérêt de la prévention ;

  • Un effort renouvelé sur l’évaluation des besoins ;

  • La capacité pour l’usager d’exercer ses choix pour la mobilisation de cette enveloppe ;

  • Son abondement par un effort de prévoyance individuelle (dans une logique d’articulation et non de juxtaposition) ;

  • Un reste à charge encadré (avec l’idée de « bouclier-dépendance » par exemple) : comment déclencher la solidarité publique pour que le reste à charge demeure soutenable ?

  • Une attention toute particulière aux échanges intergénérationnels. Il faut considérer l’articulation entre les échanges intergénérationnels dans le cadre de la dépendance et le régime de succession ou de donation par exemple ;

  • Un effort d’ingénierie pour rendre disponible le patrimoine en tant que de besoin. La façon dont le patrimoine va être mobilisé va être très déterminante de la façon dont les personnes vont recourir aux aides publiques ou non.

  • Le décloisonnement des politiques (emploi, logement…).

Discussion

Fiscalité / aides fiscales

On a beaucoup de mal à réfléchir sur la différence de situation entre un système fiscal qui taxe au moment de la détention, et un système fiscal qui taxe au moment de la transmission, alors que la solution en matière de solvabilisation du 5ème risque sur les revenus du patrimoine dépend essentiellement de ces choix en amont faits sur la politique.

Pour faire croître les ressources publiques de financement, on peut par exemple taxer les patrimoines (qui ont beaucoup augmenté dans les dernières années, contrairement aux revenus) : soit au moment de la succession, soit par un impôt très faible sur l’ensemble des patrimoines, ou un impôt sur les plus-values (qui représentent 100 milliards d’euros par an dans l’immobilier).

Deuxième remarque : les montants recensés à travers les aides fiscales pour le financement de l’autonomie sont largement sous-estimés. Le système mobilise beaucoup d’argent dans ces incitations fiscales, alors que ce sont des aides assez inégalitaires. Il faut une vraie réflexion sur l’équilibre des sources de financement.

On pourrait sans doute être beaucoup moins généreux en abattement fiscal, et plus généreux en aides. Une partie des économies que l’on ferait sur les abattements de charges pourraient servir à une telle couverture dépendance.

L’intérêt d’une caisse de sécurité sociale dédiée à l’autonomie

L’intérêt d’une caisse est que l’on isole les recettes et les dépenses ; les recettes sont affectées à des dépenses. On doit être capable de montrer que le solde a du sens. Cela conduit les autorités publiques à décrire les conditions dans lesquelles on va équilibrer ce solde dans la durée.

Une mobilisation du patrimoine rendue difficile par les obstacles psychologiques

Selon les administrations de Bercy, il n’y a pas de problème de financement de la perte d’autonomie parce que le patrimoine des personnes âgées est suffisant. Elles ont peut-être raison au plan macroéconomique, mais au plan psychologique et microéconomique, elles ont tort : la mobilisation du patrimoine intervient à des moments de rupture de la vie qui relèvent de l’intime.

À propos de l’assurance dépendance

Besoins de financement

Il est certain que tous les progrès technologiques convergent vers plus de sécurité, plus de qualité, une amélioration de la prévention, mais aucun ne va vers une réduction des coûts. De plus, comme il faudra continuer à augmenter les rémunérations dans le médico-social, le reste à charge augmentera. Face à cela, l’outil de l’assurance pourrait permettre de financer mieux.

Les organismes assureurs peuvent intervenir pour contribuer au financement des restes à charge pour des personnes qui ne sont pas dans des situations économiques trop défavorisées, mais qui ne sont pas assez riches pour éviter d’avoir tout problème de solvabilisation au moment de la perte d’autonomie.

Une des possibilités évoquées à la fin des années 2000 était de présenter le choix suivant aux Français, dès l’âge de 40 ans : soit l’on cotise 10 ou 15 euros par mois pour s’assurer contre la dépendance, soit les aides publiques dont on bénéficiera à l’âge de la dépendance seront reprises sur notre patrimoine (gage patrimonial).

Evaluation des besoins

L’articulation entre un étage public et un étage complémentaire doit notamment se faire à travers l’évaluation de la perte d’autonomie. Les assureurs doivent s’aligner sur la grille AGGIR pour sortir de la situation actuelle, où deux principaux systèmes d’évaluation coexistent (la grille AGGIR, et une évaluation par les actes de la vie quotidienne). Il faut associer l’ensemble des acteurs (les assureurs, mais pas seulement), dans le cadre d’une commission de la CNSA qui serait chargée de veiller à l’évolution de la grille AGGIR.

Information et lisibilité

Il faut une charte de l’assurance dépendance, et un effort d’information et de lisibilité, nécessaire pour faire cotiser les personnes jeunes (aujourd’hui, la plupart des gens cotisent pour la dépendance à partir de la retraite – or ils cotiseraient des montants beaucoup moins importants s’ils commençaient 20 ans plus tôt).

Les assureurs pourraient être mobilisés pour communiquer sur l’entrée en dépendance, et permettre, par la prévention, de l’anticiper et de la reculer. Les assureurs pourraient également aider leurs assurés à se projeter et à identifier le coût de cette dépendance de demain.

Quelles dérives possibles ?

Face aux craintes qui peuvent être soulevées quant au risque de dérives similaires à celles l’assurance maladie complémentaire, on peut souligner que :

  • Les complémentaires santé sont servies en même temps que l’on cotise, alors que dans le champ de la dépendance, l’idée est de constituer par cotisation une ressource complémentaire pour plus tard ;

  • Ces dérives de l’assurance maladie ont essentiellement lieu sur de l’appareillage. Là, il y a une dimension d’aide technique importante, mais le gros du besoin d’accroissement de l’accompagnement est l’aide humaine ;

  • Il n’y a pas vraiment d’alternative à l’assurance, dont l’avantage majeur est de préfinancer un risque dont le coût va croître de façon sensible.

La nécessité d’une parole publique claire

Les pouvoirs publics doivent porter une parole claire. Sur la question de la prise en charge sanitaire, chacun doit savoir qu’il sera soigné dans les mêmes conditions quel que soit son revenu. En revanche, sur la question de l’hébergement, il faudra souligner, même si c’est impopulaire, que les personnes percevant une retraite de plus de X euros devront avoir une assurance préparée en amont, car rien ne sera dépensé par la collectivité pour leur hébergement. Il faut donc communiquer sur la nécessité de prendre une assurance dépendance tôt. Une clarification de la parole publique est également nécessaire sur la question de l’articulation entre les aides et l’abattement fiscal.

Conclusion

La 5ème branche serait donc constituée de deux systèmes parallèles complémentaires :

  • Un volet reprenant les principes de la sécurité sociale (notamment « je cotise selon mes moyens, je reçois selon mes besoins ») mais sur un périmètre restreint, celui de l’assurance maladie, étendu à quelques prestations bien identifiées.

  • Un volet parallèle articulé au premier, avec l’assurance dépendance en appoint notamment, pour des prises en charge d’hébergement.

Politiquement, il faut assumer ce double système et le rendre lisible.

[1] Haut conseil de la famille et de l’âge.

[2] Allocation personnalisée d’autonomie.

[3] Prestation de compensation du handicap.

[4] Allocation aux adultes handicapés.

LISA

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