Notes & projets
10 mars 2022
Industrie et produits de santé. Au-delà des big pharma…
Enjeux
La production de biens de santé est une activité stratégique pour la France et un enjeu d’indépendance sanitaire. La question de la souveraineté industrielle a notamment surgi pendant la crise de la Covid-19, comme en témoignent, en réponse, les objectifs du plan France 2030 dans le domaine de la santé. Celui-ci prévoit une enveloppe globale de 16 milliards d’euros pour faire de la France « un leader de la production de thérapies innovantes ». Pour atteindre cet objectif, l’alignement stratégique des politiques publiques apparaît crucial.
Cette problématique peut être comprise à travers la situation des PME françaises. La baisse des prix de certains médicaments, dans le cadre d’un arbitrage prix-volume favorable aux économies de court terme, au risque de pénaliser l’innovation, a pu amener les industriels à délocaliser la production de principes actifs, voire de produits finis, en Inde ou en Chine, d’où des problèmes de rupture de stock lorsque les frontières se ferment. Dans certains cas l’exploitation devenant impossible du fait de ces baisses de prix, l’arrêt de la production apparaît inéluctable. Il semble donc primordial de valoriser la production locale porteuse d’innovation thérapeutique à sa juste valeur, afin que la prochaine crise sanitaire ne soit pas celle des ruptures de stock des Médicaments d’Intérêt Thérapeutique Majeur.
Une autre problématique importante concerne la valorisation des travaux de recherche en Biologie-Santé : l’organisation du système de recherche en santé est aujourd’hui trop complexe. Il doit donc être simplifié. Par exemple, en ce qui concerne le financement des chercheurs, on constate souvent un défaut de fléchage de la rémunération en lien avec cette valorisation. Il est en outre crucial de créer un continuum entre la recherche hospitalière et les industriels, notamment les PME.
L’évaluation des produits est aussi un sujet crucial pour le système industriel de santé. Nous sommes entrés dans un système de recherche rapide, avec des innovations qui arrivent plus précocement sur le marché (des médicaments sont par exemple commercialisés en phase 2, et non plus en phase 3). L’évaluation est, de ce point de vue, assez problématique en France compte tenu, d’une part, des délais engendrés (une PME n’a ainsi pas forcément intérêt à produire en France, puisque cela la conduit à indiquer aux pays auxquels elle propose ses produits que ceux-ci ne sont pas encore diffusés localement…), d’autre part, de l’hégémonie de la Haute Autorité de Santé, en charge de déterminer le bénéfice thérapeutique, qui va conditionner le prix des médicaments : ses évaluations et avis ne constituent pas des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat, alors qu’en Italie, par exemple, une commission d’appel permet de revoir les prix lorsque la décision d’évaluation est estimée injuste. La question de l’articulation entre un régime d’autorisation au niveau européen pour les produits innovants et une évaluation nationale du bénéfice thérapeutique, conditionnant le prix, est d’ailleurs posée.
Côté financement, le crédit d’impôt recherche (CIR) est considéré comme un atout pour permettre l’investissement dans la recherche mais il conviendrait sans doute de mieux cibler les PME et de garantir que les travaux réalisés n’auraient pas été réalisés indépendamment du CIR. En d’autres termes, le CIR doit bénéficier aux entreprises développant une recherche complémentaire grâce à lui, en évitant dans toute la mesure du possible les purs effets d’aubaine.
Actions prioritaires
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Affirmer et soutenir la continuité de la recherche, de la recherche fondamentale à la recherche clinique et de la recherche fondamentale à la recherche industrielle. Ce soutien doit se traduire par des mesures budgétaires mais aussi par une prise en compte des travaux de valorisation des chercheurs dans leur évaluation en cours de carrière. De même, dans le cadre des partenariats public-privé, il serait pertinent que les investissements réalisés dans le secteur académique, ainsi que le retour sur investissement pour les organismes publics, soient pris en compte lors des négociations avec le Comité économique des produits de santé.
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Clarifier les objectifs et les conditions de création de l’Agence d’Innovation en Santé. Pour que cette agence puisse répondre aux demandes (en termes de répartition des moyens, de sanctuarisation, d’organisation), elle devrait être pilotée directement par le Premier ministre ou la Présidence de la République (comme le furent en leur temps les actions prioritaires en matière de lutte contre le cancer ou contre la maladie d’Alzheimer). Un pilotage interministériel flou entraînerait davantage de conflits et donc une perte d’efficacité.
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Renforcer la souveraineté stratégique et sanitaire française par des outils dirigés comme le CIR, à condition de mettre en œuvre des mesures ciblées envers les PME, dans la mesure où les gros groupes industriels, eux, ont tendance à délocaliser leurs laboratoires et leurs lieux de production. Il serait pertinent enfin de simplifier l’accès aux crédits du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) pour les PME et de prévoir une enveloppe dédiée spécifique pour ces dernières.
Cette note a bénéficié des contributions de Lionel Collet et d’Antoine Ferry