Séminaire : Les Plateformes numériques au service des professionnels de santé (2/2)
19 juin 2019 - Fédération Française des Diabétiques
18h30-20h30
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L’enquête sur la télémédecine réalisée par Carte Blanche Partenaires
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L’économie des plateformes, par Violette Nahmias – Cabinet Veltys
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Présentation de la plateforme Qare par Alexandre Maisonneuve
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Présentation de Diabéo® et d’Insulia® par Yannick Traversino et Marion Menut (Sanofi)
L’enquête sur la télémédecine réalisée par Carte Blanche Partenaires
Cette enquête réalisée entre juin et octobre 2018 peut être résumée à travers un certain nombre de traits :
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La méconnaissance de la télémédecine ;
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Le besoin d’être rassuré quant au maintien d’un contact humain ;
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Un besoin fort d’accompagnement vis-à-vis des nouveaux outils ;
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Un segment d’offre de santé marqué par les représentations davantage que par l’expérience pratique.
Il peut donc y avoir un décalage relativement fort entre les représentations, les réalités en train de se construire et le discours politique sur tout cela. Parmi les questions qu’il convient d’éclairer : complémentarité vs substitution ?
L’économie des plateformes, par Violette Nahmias - Cabinet Veltys
Illustration à travers deux exemples :
En quelques années, les plateformes numériques ont connu un développement rapide dans beaucoup de secteurs. Certaines ont désormais des valorisations boursières supérieures aux acteurs traditionnels. En France, s’il n’y a pas encore en France de Booking.com ou d’Uber dans le domaine de la santé, on voit les choses se dessiner lentement avec un Etat qui a du mal à se positionner.
Les plateformes bifaces sont en position d’intermédiation entre l’offre et la demande : dans l’hôtellerie, le client n’est plus client de l’hôtel, le fournisseur ne fournit plus au client mais à la plateforme. La réussite de ces plateformes repose sur ce qu’on appelle des « externalités positives » : plus on agrège d’utilisateurs d’un côté, plus la valeur sur l’autre face est importante, et réciproquement. C’est l’effet réseaux.
L’effet réseaux
On distingue plusieurs types de plateformes : certaines comme Booking.com se sont créées sur un marché existant (et se financent en prélevant une commission), d’autres comme Uber ou Airbnb ont créé un nouveau marché, d’autres encore s’appuient sur leur communauté d’utilisateurs pour offrir de nouveaux services (Uber Eats). Certains opérateurs, comme Apple, peuvent aussi s’appuyer sur leurs clients pour créer une plateforme (Apple Store).
Les plateformes multi-faces vont, quant à elles, chercher à agréger plusieurs ensembles d’utilisateurs et organiser un écosystème plus large grâce à la connaissance des données, par exemple en matière de déplacements comme OUI.SNCF (train, bus, chauffeur privé, vélo, etc.).
Dans tous les cas, les dynamiques restent les mêmes : à court terme, elles créent de la valeur pour tout le monde : meilleur accès à l’information, benchmark, concurrence, mutualisation des coûts de transaction. A moyen et long termes, c’est la plateforme qui capte l’essentiel de la valeur créée et devient vite incontournable. Ainsi naissent des positions dominantes, d’où parfois des règles très dures imposées aux fournisseurs.
Sur ces marchés, il y a des acteurs dominants sur le segment « main stream » et des acteurs de niche (exemple des sites de rencontre : population générale / segments de population ciblées).
Les plateformes en santé : un marché non encore consolidé
En santé, on retrouve des développements génériques et on a aussi à traiter de questions spécifiques (régulation, données…).
Les développements récents peuvent être approchés à travers plusieurs exemples : la chaine de pharmacie Wallgreen aux USA (avec des services additionnels par rapport au métier traditionnel du pharmacien : prise de rendez-vous auprès des professionnels par exemple), Doctolib en France (service facilitateur pour les professionnels, qui a contribué à fluidifier le marché et a apporté de la valeur dans un premier temps. Quid désormais de l’utilisation des données accumulées sur les trajectoires patients ?), les plateformes portées des fabricants de matériel médical comme Philips ou GE (le but n’est pas de remplacer le médecin mais de devenir incontournable en agrégeant un maximum d’expériences de diagnostic), celles portées par des laboratoires pharmaceutiques (de l’importance de « monter sur le service » pour éviter d’être « disrupté » cf. infra), etc.
En France, en dehors de Doctolib, les expériences sont loin d’être abouties et à maturité dans le secteur de la santé. La montée en charge des dispositifs de télémédecine (téléconsultation et télésurveillance) est encore limitée, par exemple.
La start up QARE a démarré son expérience de téléconsultation fin 2016 après un benchmark des exemples étrangers. Le modèle a été testé avec succès sur des expatriés français vivant à Londres, avec des médecins installés en France. En août 2017, l’ARS d’Ile-de-France a autorisé l’expérimentation du modèle sur le territoire français avec les limites tenant à la solvabilité des patients.
L’entrée en vigueur de l’avenant conventionnel du 15 septembre 2018 a changé la donne. Ce qui était en soi une bonne nouvelle pour les patients, l’acte étant désormais remboursé par l’assurance maladie obligatoire, va vite révéler ses limites en raison des règles posées par cette dernière. La téléconsultation n’est prise en charge que si elle s’inscrit dans un parcours de soins coordonnés et dans le cadre d’une organisation territoriale. Le recours à la téléconsultation s’avère, de ce fait, inopérant pour les patients qui n’ont pas de médecin traitant, comme c’est le cas de plusieurs millions de Français, ou en cas de difficultés d’accès à un médecin spécialiste. Avec 10 000 téléconsultations remboursées, on est loin de l’objectif annoncé de 500 000 pour 2019 !
Les solutions digitales de Sanofi s’inscrivent dans la volonté du laboratoire d’offrir aux patients une offre globale dans le diabète, en complément de ses médicaments et des dispositifs médicaux. Il s’agit de Diabéo® et d’Insulia®, deux applications de télésurveillance couplées à de l’accompagnement thérapeutique.
Parcours compliqué pour Diabéo® avec essais cliniques et évaluation de la HAS avant d’être intégré finalement dans le programme ETAPES en 2018 comme ce sera le cas dès le départ d’Insulia® en 2019. Les difficultés du déploiement du programme ETAPES, qui concerne cinq pathologies chroniques, tiennent à la faiblesse de la rémunération des professionnels de santé et aux conditions d’éligibilité restrictives des patients. Avec seulement 500 patients intégrés pour le diabète, en raison des rigidités du cahier des charges, il est loin d’avoir modifié la prise en charge de cette pathologie.
Quel rôle pour l'Etat ?
Contrairement à d’autres secteurs, l’Etat est très présent dans le secteur de la santé. Or on constate qu’il a des difficultés à se positionner sur la question des plateformes numériques en santé. Théoriquement, il a le choix : soit constituer sa propre plateforme, soit laisser l’initiative à des opérateurs privés en se recentrant sur la mission de fixer les règles du jeu. Il parait en effet difficile de faire les deux choses en même temps. La récente feuille de route du numérique en santé témoigne des hésitations de l’Etat sur le sujet. Ainsi, on doit constater que, même s’agissant d’une activité nouvelle, l’Etat n’arrive toujours pas à clarifier son rôle entre celui de financeur, de régulateur, d’opérateur…